Lorsque l'occasion m'est donnée de parler de cet objet, j'aime à dire que la personne qui l'a imaginé n'aurait pas pu faire Polytechnique parce que trop douée ; du moins douée pour cette intelligence pratique qui ne se rencontre pas dans les grandes écoles de notre république pseudo-république devenue.
Mais j'en viens au fait !
Lors d’une visite à Ouessant, il y a 10-15 ans, j’avais rencontré une dame qui avait 2 moutons attachés ensemble à un même piquet. Leurs longes ne s’emmêlaient pas, ni ne se vrillaient, grâce à une petite planche percée de 3 trous - alignés sur son axe longitudinal, ladite planche jouant le rôle d’un émerillon.
La corde venant du piquet passait par le trou du milieu pour se terminer par un nœud d’arrêt.
Par chacun des deux trous restants, une corde, elle aussi avec un nœud d’arrêt, partait vers le collier d’un animal.
La vieille dame m’avait dit que cette planchette avait pour nom « traouel », selon ma phonétique personnelle. C'est du moins ce que j'ai cru entendre et gardé en souvenir.
J'appris, par déduction, quelques temps plus tard, que le "traouel" peut aussi être à deux trous.
Il y a peu, je me suis amusé à en fabriquer deux, un pour une productrice de fromage de chèvre et l'autre pour une de ses collègues produisant du fromage de brebis, toutes deux installées dans le Finistère.
En voici des photos :
Le "traouel" à deux trous pour attacher un seul animal :
Un exemplaire de ce type est visible au Musée des Outils de Pleyben (il était exposé sans nom et les responsables du musée ne savaient pas ce que c'était avant ma visite datant d'il y a 10 ans environ). Il empêche le vrillage de la longe.
Le "traouel" à trois trous pour deux bêtes attachées ensemble, comme celui que je découvris à Ouessant.
Notez que les trous sont largement évasés coté sortie de corde (opposé au nœud), cela afin de limiter l'usure des longes. Les nœuds, eux, doivent porter sur un épaulement le plus plat et large possible, afin qu'ils ne finissent pas par se coincer dans une excessive conicité des trous, empêchant dès lors la corde de tourner librement ce qui déclencherait le vrillage et/ou l'emmêlement si cela concernait la corde du piquet.
Le piquet doit permettre une libre circulation des animaux. Le mieux est d'en faire un avec un fer à béton en "U", planté renversé et à ras du sol, et d'y fixer la corde par l'intermédiaire d'un mousqueton. Plusieurs piquets à demeure, bien repérés pour être retrouvés facilement, sont bien commodes pour ne pas à avoir à trimbaler la masse à tout bout de champ - c'est le cas de le dire. Bien répartis, ils peuvent permettre de faire couvrir toute la surface à brouter.
Les longes allant du "traouel' aux animaux peuvent faire 3 à 10 mètres de long sans problème.
La longue entre le piquet et le "traouel" peut faire moins.
Au début, il est préférable de ne pas mettre tout de suite une grande longueur, le temps que les animaux comprennent qu'ils sont attachés.
Les longueurs peuvent être modulées en fonction des obstacles (arbre autour duquel les bêtes pourraient tourner par exemple) ou des limites à ne pas dépasser.
Quand une bête est agressive vis-à-vis de sa congénère, un grand avantage réside dans le fait qu'il est toujours possible de lui raccourcir son segment de corde de manière à ce que son agressivité perde peu à peu son objet, la plus faible pouvant alors se maintenir à distance de son tyran.
Enfin, et ceci à l'intention des fanas de la complexité, ne pensez pas positionner des "traouels" en cascade pour attacher tout un troupeau : Ça ne marche pas !
Il y a des limites à tout ! Cela, hélas, il n'y a que les économistes, les "pourritiques", les banquiers et les imbéciles qui ne le savent pas.
(*) Technodiversité : Définition.
Addendum du 22 juillet 2014
Il s'avère que l'objet que je vous ai présenté s'appelle un TROELL. Tout ce qui le concerne est à lire sous le lien suivant :
http://mouton-ouessant.forums-actifs.com/t3421-pour-que-les-cordes-ne-s-emmellent-plus
1 De BRL -
Étrange objet que ce "traouel". Je note qu'en anglais, le mot qui se prononce exactement comme "traouel" est "trowel" (= "la truelle"). La truelle vient du diminutif latin "trulla", "petite cuiller à pot". Aucun rapport, a priori, avec l'objet en question. En revanche, j'ai trouvé dans le dictionnaire Breton-Français de Le Gonidec (1850) un "traouil", espèce de "dévidoir que l'on tourne perpendiculairement". L'analogie fonctionne déjà mieux. Avis aux Bretons bretonnants.
2 De écodouble -
Merci pour ce super commentaire BRL.
On avance dans la connaissance de cet objet.
3 De écodouble -
L'objet que je vous ai présenté dans cet article s'appelle en réalité "troell".
C'est après que j'ai consulté les membres du forum du Mouton d'Ouessant, qu'un certain skrabsegal a révélé ce nom de "troell".
Mais skrabsegal donne aussi les noms de tous les éléments qui constituent le système d'attache dans son entier.
Ainsi, il écrit sur ce forum du Mouton d'Ouessant :
"L'appareillage complet est formé de la "strapenn" (piquet), de la "sug" (prononcer zug) (longe), de la "troell" ... (tournette ou tourniquet) et des deux "gouliamm" (sous-liens). Le système est en usage sur les îles bretonnes en dehors de la période de vaine pâture. Pour que ça marche bien il faut que les trous dans la "troell" soient légèrement plus larges que le diamètre des liens."
Il a agrémenté son commentaire d'un superbe schéma. Vous pourrez découvrir ce dernier et, aussi, lire la totalité des échanges sur le sujet en cliquant sur le lien suivant (chapitre "Trucs et astuces") :
http://mouton-ouessant.forums-actif...
La technodiversité, que c'est beau ! Avec, en plus, tout son vocabulaire.
4 De BRL -
"Traouil" et "troell" sont le même mot, puisque Le Gonidec propose une variante "trôil" pour "traouil". J'ai trouvé une "trôel" (s. f.) qui désigne un liseron, volubilis ou convolvulus, toutes plantes à croissance spiralée. En fait, la racine "TRO-" (variante "TRAOU-"), en breton, porte l'idée de tournoiement, comme l'objet dont nous parlons. Ainsi, un "trôer" est un tourneur, une "trôidel" est une ruse, une pirouette, etc. Être attentif également à la toponymie côtière : la "trôen" est un gouffre où l'eau tournoie violemment. C'est aussi un tournant dangereux : "Eunn drôen a zô azé, likid évez !" ("Il y a un tournant là, prenez-y garde !")